Le projet TANA, financé en Autriche par le programme gouvernemental «
Mobilité du futur », vise à améliorer l’efficacité des trains de nuit
utilisés en journée en réduisant les temps de switch. Bien que cela
présente des avantages, de nombreux défis subsistent. Le projet, accompagné
par SCHIG mbH, cherche à développer des concepts pour optimiser
l’utilisation des trains de nuit en service de jour, ou inversément, c’est
comme on veut.
Le projet TANA (contraction judicieuse de *Tag/Nacht*), est une initiative
financée jusqu’en juin dernier par l’État autrichien. 9 partenaires ont
participé à ce projet, comprenant notamment ÖBB Personenverkehr, Siemens
Mobility Austria, Škoda Group Austria, Moodley Strategy & Design group
(Graz) ou encore la Haute école des sciences appliquées de Zurich.
D’après les ÖBB, les trains de nuit représentent environ 20 % du chiffre
d’affaires total de la division ‘Grandes lignes’ et sont exploités pendant
environ 12 heures par jour sur des trajets européens spécifiques. En
revanche, les trains de jour sont en service environ 20 heures par jour, de
5 h à 1 h du matin. Il ne serait pas économiquement optimal de modifier les
trains de jour pour qu’ils soient également utilisables pour le service de
nuit. En effet, ces trains de jour génèrent 80 % du chiffre d’affaires, ce
qui justifie un arrêt opérationnel de 5 à 6 heures, période qui peut être
efficacement utilisée pour le nettoyage et la maintenance. De plus, les
ajustements techniques requis pour transformer ces trains en trains de nuit
ne permettraient pas d’atteindre les standards de qualité nécessaires pour
ce type de service.
En outre, les exigences en matière d’ergonomie des véhicules,
d’accessibilité et les facteurs de confort sont également nettement
différentes entre véhicules de jour et véhicules de nuit. D’une part, les
comportements d’utilisation des voyageurs sont très différents (calme,
repos dans le train de nuit vs. travail, communication, fréquentes
montées/descente dans le train de jour), et d’autre part, les temps de
trajet sont également nettement plus longs pour les trains de nuit.
Les véhicules qui peuvent d’ores et déjà être utilisés pour les trains de
nuit et de jour sont les voitures voitures-couchettes, dans lesquelles des
places assises pour six personnes au maximum peuvent être créées par
compartiment en rabattant 4 couchettes (les 2 du haut restant fixes). Le
confort d’assise est toutefois limité par une banquette continue et non
réglable.
La simple exploitation d’ICE, de TGV ou de rames classiques de nuit n’offre
pas le meilleur exemple incitatif au transfert modal, bien que cela
convienne à une clientèle peu regardante et habituée à l’inconfort des
Ryanair et autres Flixbus ou Blablacar.
L’exploitation économique des trains de nuit pose un défi considérable. La
densité d’occupation maximale des trains de nuit traditionnels est
inférieure à celle des trains de jour. Généralement, les places sont
attribuées pour l’ensemble du parcours, ce qui limite la rotation des
sièges. De plus, les coûts de personnel et, dans certains cas, les coûts
d’exploitation sont souvent supérieurs à ceux des trains de jour. En outre,
les trains de nuit ne circulent généralement pas pendant la journée et sont
immobilisés de manière non productive dans les faisceaux extérieurs pour
effectuer le réapprovisionnement en literie et le nettoyage. Par
conséquent, de nombreux trains de nuit ne sont pas rentables et nécessitent
des subventions.
Un autre défi économique réside dans le fait que certains coûts de
production d’un train de nuit augmentent de manière linéaire avec la
distance parcourue. De plus, au-delà d’une certaine durée de trajet, il est
nécessaire d’avoir deux équipes de personnel en raison des réglementations
sur le temps de travail. En revanche, les vols aériens en Europe dépassent
rarement 4 heures (avec une durée moyenne de 1h30 à 2h30), ce qui les
dispense de ces contraintes.
Le consortium TANA a abordé la question de manière large : il a pris en
compte les capacités du réseau et l’efficacité économique ainsi que les
besoins des clients. «*Il est devenu évident que les passagers souhaitent
plus d’intimité*», explique Thomas Sauter-Servaes , chercheur en mobilité à
la ZHAW (lHaute école des sciences appliquées de Winterthour). « *Ca ne
plaît pas à tout le monde de dormir dans le même compartiment avec une
bande d’inconnus.*«
Afin de motiver les voyageurs d’affaires à changer leurs habitudes, un saut
en matière de qualité est nécessaire. «*Nous ne parviendrons pas à
renverser la situation uniquement en modifiant les trains*», explique
Sauter-Servaes. « *Cela nécessite non seulement des facteurs d’attraction,
mais aussi des facteurs d’incitation*. » Il faut donc que les trains
deviennent plus attractifs, mais en même temps les avions doivent devenir
moins attractifs. C’est donc dans le design intérieur qu’il faut aussi
travailler, un design qui doit être plus orientés vers l’hôtel de charme
que l’auberge de jeunesse.
Pour atteindre un nombre de places assises similaire à celui des trains de
jour à un étage pour les trains de nuit utilisés en service diurne, la
conception des équipements adaptatifs nécessaires s’est appuyée sur un
concept de train à deux étages. Afin d’éliminer les restrictions
d’utilisation sur les sections LGV et de ne pas restreindre les
possibilités d’exploitation future des trains de nuit à grande vitesse, un
concept de train à double étage, similaire au TGV ‘Euroduplex’, a été
adopté.
Une enquête en ligne a été réalisée pour recueillir les exigences des
utilisateurs. Les résultats indiquent que plus de 60 % des voyageurs se
déclarent prêts à utiliser des trains de nuit pour des trajets dépassant 16
heures. Pour les véhicules qui doivent offrir un confort équivalent de jour
comme de nuit, certaines exigences fondamentales en découlent. Les concepts
d’aménagement modernes et épurés ont été majoritairement bien accueillis,
tandis que ceux perçus comme trop étroits et oppressants ont fait l’objet
de critiques.
Différents niveaux de confort sont utilisés, qui se distinguent par le
niveau de prix et l’équipement ou les prestations de service :
– Dans la catégorie la plus élevée, les voitures-lits, des compartiments
avec ou sans salle de bain sont proposés et sont généralement utilisés de
manière exclusive par les passagers seuls ou en groupe.
– La catégorie moyenne comprend des voitures dites « couchettes » à
l’équipement simplifié et généralement des compartiments de quatre à six
couchettes, souvent partagés avec d’autres voyageurs. De nouveaux concepts,
déjà utilisés sur le Nightjet des ÖBB, prévoient des couchettes
individuelles pour une meilleure intimité.
– Le niveau de confort le plus bas comprend les voitures à places assises
(souvent des voitures à compartiments, parfois des voitures à grand
espace). Il existe également des voitures dites « à sièges inclinables »,
mais leur capacité en passagers est également plus faible et elles ne se
sont guère imposées, car elles ne permettent d’obtenir qu’une certaine
inclinaison des sièges, mais pas une position couchée à plat.
Les futurs designs des voitures ou rames de nuit devraient inclure des
compartiments plus petits, avec des couchettes individuelles et
verrouillables, comme le font déjà les ÖBB avec leurs ‘mini-cabines’. Pour
le projet TANA, Moodley propose quelque chose comme ceci :
Le wifi est une priorité pour les voyages de jour et de nuit, et il sera
intégré dans tous les nouveaux véhicules. Cependant, des aménagements
spécifiques, comme des tables adaptées au travail, sont surtout demandées
pour les trajets de jour.
De plus, les résultats de l’enquête en ligne indiquent que la disponibilité
d’un espace de stockage des bagages adéquat constitue une exigence clé pour
les services ferroviaires diurnes et nocturnes. Parallèlement, les
dispositifs de consigne à bagages doivent offrir un niveau de sécurité
renforcé, en particulier durant les trajets nocturnes, afin de minimiser
les risques de vol et d’assurer une tranquillité d’esprit aux voyageurs.
Bien que le transport de bagages encombrants et de vélos ne soit pas une
priorité pour tous, des espaces polyvalents pour transporter ces charges
encombrantes sont recommandés.
L’information des passagers est cruciale, avec un besoin accru de systèmes
électroniques dans les trains de nuit. Des compartiments réservés aux
familles et aux femmes sont également plus souhaités pour les trajets
nocturnes.
Enfin, le prix du billet reste un facteur décisif, surpassant le confort et
la durée du voyage, bien que les passagers soient prêts à payer plus pour
un confort et une sécurité accrue dans les trains de nuit.
À noter que le loueur public norvégien Norske Tog a commandé à Stadler des
rames pouvant à la fois circuler comme train de nuit et comme trains de
jour, pour les mêmes raisons qu’évoquées ci-dessus. Plus récemment, le
groupe Skoda a également présenté un projet ressemblant à certains égards
aux développements ci-dessus, le groupe tchèque ayant fait partie du
consortium. Mais il s’agirait d’un tout autre projet malgré tout.
L’ensemble de ces développements est à lire avec bien plus de détails dans
l’Eisenbahntechnische Rundschau 01+02-2024, revue analogue au RGCF
français. Il est heureux de voir que le sujet ne reste pas anecdotique
malgré le scepticisme de certaines grandes maisons ferroviaires…
Source : MédiaRail.be
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