Faut-il vraiment croire au grand retour des trains de nuit?


L’editorial Mobitelex de Gilles Dansart

Paris-Aurillac et Paris-Berlin, cette semaine, c’était la fête aux trains
de nuit. On a fait saliver les Français avec un futur réseau hexagonal à
dix lignes, une arrivée à Venise ou à Rome au petit matin. Le retour du
voyage durable, loin de l’avion polluant, de la voiture stressante et du
TGV énergivore! En coulisses le tableau est moins reluisant.

Revenons au rapport Duron de 2015: *«Les trains de nuit, 3% des voyageurs,
25% des pertes»*. Circulez, il n’y a plus rien à voir, hormis
Paris-Briançon et Paris-La Tour de Carol. C’était il y a moins de dix ans.
On ne refera pas l’Histoire, mais rappelons quand même le fatal engrenage :
si vous n’investissez plus, si le service, la fréquence et la ponctualité
sont défaillants, il est à peu près logique que les voyageurs s’enfuient.
En réalité, les trains de nuit, pour la SNCF (et pour l’Etat), c’était
beaucoup d’ennuis pour pas de marge. Donc rideau.
Mais très vite, l’évidence d’une demande des voyageurs, en France et en
Europe, a imposé d’inverser la tendance. L’Etat a donc planifié un nouveau
réseau – Mobilettre avait révélé le rapport du ministère des Transports en
février 2021 (lire Mobizoom 85), finalement remis au Parlement quelques
mois plus tard. La stratégie est magique… mais on fait comment sans
voitures nouvelles ? La SNCF ne pourra pas bricoler éternellement avec ses
vieilles rames, y compris rénovées.

C’est là que l’Histoire bégaie à nouveau. L’intendance et les finances ne
suivent pas les grandes intentions politiques. Depuis le rapport de 2021,
pas de commande de matériel neuf à court terme : ce ne sera pas,
manifestement, avant 2025, pour, si tout va bien, des livraisons en… 2030.
Le train de nuit est vendeur politiquement, mais il continue à rouler à
contretemps des priorités budgétaires de court terme… et de celles de la
SNCF, qui tout récemment encore, pestait en coulisses de devoir s’y
remettre. A moins que le privé (Midnight Trains?) réussisse à percer. On en
est là. Le Paris-Berlin est constitué de rames allemandes rénovées par les
Autrichiens qui les avaient rachetées fort opportunément quand Allemands et
Français dédaignaient ce marché d’un autre siècle…

Dès 2018 les Autrichiens préparaient l’avenir et commandaient de nouvelles
voitures-nuit, les Italiens construisaient leur politique de volumes, les
Espagnols mettaient au point leurs accords-cadres sur la grande vitesse. En
France, on en était encore, avec une nouvelle réforme, à assainir le
système ferroviaire et à mettre des rames au rebut. Et il faudrait
aujourd’hui subir sans broncher la sous-offre sur la longue distance et les
prix qui s’envolent, s’effrayer d’une concurrence qui débarquerait avec des
trains neufs, des services innovants et une tarification lisible? Il est
encore temps d’inverser la tendance.

On ne devrait pas confier la stratégie à des carabiniers dignes
d’Offenbach. Ils sont toujours en retard.

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