L’appel au gouvernement des associations de défense du train de nuit


« Recherche trains de nuit désespérément… » Cela pourrait résumer la
motivation de l’association Destination Trains de nuit qui milite depuis
plusieurs années pour que se redéveloppe en France un réseau de trains de
nuit « plus dense, plus confortable, plus accessible, tout en restant peu
onéreux pour les finances publiques, sans alourdir le déficit actuel, sous
réserve toutefois d’y investir près d’un milliard d’euros, mais avec un
bilan socio-économique favorable de 200 M€ par an », résume Stéphane
Coppey, président de l’association. Lors de l’assemblée générale qui s’est
déroulée le 7 septembre, à la Maison du Vélo, tout près de la gare
Marseille Blancarde, les membres de Destination Trains de nuit ont été
accueillis par Didier Jau, maire des 4e et 5e arrondissements.

Cette réunion a notamment été l’occasion d’élargir le conseil
d’administration à plusieurs élus: Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère,
président du groupe Écologiste, Solidarité et Territoires au Sénat, Guy
Benarroche, sénateur des Bouches-du-Rhône, Jean-Marc Vays- souze-Faure,
sénateur du Lot, ainsi que Jean-Luc Gibelin, vice-président de la Région
Occitanie délégué aux Transports, et plusieurs autres spécialistes du monde
ferroviaire. « Ensemble, nous avons redéfini des pistes d’amélioration afin
de fiabiliser de manière efficace ce moyen de transport pour lequel la
clientèle existe bel et bien », raconte Stéphane Coppey.

Bien qu’il n’existe aujourd’hui que huit lignes Intercités de nuit (au
départ de Paris-Austerlitz, elles desservent Toulouse, Rodez, La-
tour-de-Carol, Cerbère, Tarbes, Briançon, Nice et Aurillac) contre une
vingtaine il y a une trentaine d’années, on observe depuis peu que le train
retrouve sa clientèle. En 2023, 770000 voyageurs ont utilisé les Intercités
de nuit, contre 350000 en 2019, selon la SNCF. « Les prévisions concernant
les deux axes les plus porteurs,Paris–Nice etParis–Toulouse, ont été
largement dépassées, en étant comparables à la fréquentation d’il y a une
quinzaine d’années », constate Stéphane Coppey, qui affirme que « la
demande est réelle, la démonstration en est faite tous les jours ! »

« A court terme,nous attendons de la SNCF qu’elle mette en place dès
septembre 2025 au plustard, de nouvelles modalités d’exploitation des
trains de nuit existants de manière à garantir une qualité de service
optimale », explique Stéphane Coppey. Les points d’amélioration listés par
l’association ne manquent pas: fiabiliser les locomotives et mieux réagir
aux aléas comme, par exemple, les pannes, les caténaires givrées en hiver
qui empêchent les trains de circuler. « Pourquoi ne pas utiliser du
matériel bi-mode électrique-diesel?»,interroge l’association, qui déplore
que « ces aléas entraînent des suppressions de train ou des retards
conséquents. Sur le Paris – Briançon, par exemple, des retards de trois
heures sont fréquents… » L’offre de transport est jugée très insuffisante:
« un seul Paris – Nice ou Paris – Rodez par jour, cela ne suffit pas : dès
la mise en vente des billets, tout part très vite ! » Sans parler des
travaux sur les voies qui entraînent des déprogrammations dans des délais
trop courts pour les voyageurs qui se retrouvent désemparés. « Notre
vice-présidente Alice Prudhomme, maire de L’Argentière-La Bessée dans les
Hautes-Alpes, déplore à juste titre que, à cause de ces déprogrammations,
la gare de sa commune, L’Argentière-Les Ecrins, sur la ligne de Briançon,
ne soit pas desservie alors que, entre les locaux et les touristes, la
clientèle potentielle existe… », reprend Stéphane Coppey.

Les autres demandes ? « Augmenter la capacité des trains, ce qui
permettrait d’accroître les recettes-voyageurs, améliorer les canaux de
vente (mise en vente des billets dès 4 mois avant le départ) mais aussi la
qualité de service à bord avec de la restauration, l’accueil en gare au
départ et à l’arrivée en mettant à disposition des douches à bord du train
ou dans la gare d’arrivée, et enfin, mieux capter le potentiel des
voyageurs en correspondance. » A plus long terme, outre les signes de
fatigue que présentent les motrices mobilisées (électriques ou diesel,
elles tombent souvent en panne…), l’association s’inquiète de la courte
durée de vie des voitures couchettes utilisées actuellement : ce sont des
voitures Corail spécialement réaménagées, qui datent des années 1980. «
D’ici quatre à cinq ans, de gros problèmes de carence de matériel et donc
de disponibilité vont se poser à coup sûr… Des voitures neuves, plus
accessibles, plus confortables, et de meilleure qualité, devaient être
commandées, mais nous ignorons si la commande a été réellement passée
auprès des industriels.

Ces nouvelles voitures risquent bien d’arriver trop tard pour fidéliser la
clientèle », alerte Stéphane Coppey. « Nous sommes déterminés à faire
améliorer la situation et nous invitons les voyageurs nocturnes et les
défenseurs des trains de nuit, mais aussi les parlementaires et les
collectivités territoriales, à nous rejoindre et à soutenir nos actions. »
Même cheval de bataille au collectif Oui au train de nuit, qui lancé un
appel au gouvernement le 28 septembre depuis la gare de Cluses en
Haute-Savoie. « La relance des trains de nuit est restée au milieu du gué :
la commande de trains neufs promise en 2021 n’est toujours pas lancée. Et
surtout, de nombreuses lignes pertinentes ne sont pas encore rouvertes, en
particulier vers les Alpes. Le Paris –
SaintGervais-les-Bains/Bourg-Saint-Maurice est suspendu depuis 2016 sans
justification suffisante », précise Nicolas Forien, porte-parole du
collectif. « Sur ces territoires, de nombreux élus locaux demandent le
retour des trains de nuit. Selon le député de Haute-Savoie Xavier Roseren,
“le succès des lignes déjà rouvertes, notamment avec une fréquentation
croissante de 15 % à l’été 2023 par rapport à l’année précédente, illustre
la pertinence de cette politique et la demande croissante des Français”. »

Un rapport gouvernemental de mai 2021 sur les trains d’équilibre du
territoire (TET) mentionne le besoin d’une vingtaine de lignes de trains de
nuit, incluant la desserte de la Savoie, en construisant pour cela 600
nouvelles voitures- couchettes et voitures-lits. « La commande devait être
lancée par le précédent gouvernement, mais la dissolution de l’Assemblée
nationale et la nomination d’un nouveau gouvernement ont gelé le processus…
», reprend Nicolas Forien. Une chose est sûre, des élus se manifestent
auprès de l’Etat pour lui demander de débloquer la situation. Fin 2023, le
Savoyard Fabrice Pannekoucke, nouveau président de la région
Auvergne-Rhône-Alpes, ancien maire de Moutiers – ville de Savoie où le
collectif avait organisé une manifestation –, se plaignait que le
gouvernement était « très peu actif sur le sujet des trains de nuit ». Le
député de Haute-Savoie Xavier Roseren, dans un courrier adressé à François
Durovray, le nouveau ministre des Transports, explique que « la réouverture
des trains de nuit représente une opportunité rare de créer un consensus
fort autour d’un projet fédérateur », rapporte Nicolas Forien. La sénatrice
de Haute-Savoie Sylviane Noël a présenté au nouveau ministre de l’Economie
Antoine Armand (arrière-petit-fils de Louis Armand, ancien président de la
SNCF ! – NDLR) un argument clé : « à l’heure où notre région, notre
département et plus largement la France, accueilleront les Jeux olympiques
d’hiver 2030, le gouvernement se doit d’apporter davantage d’ambition à sa
politique incitative de l’utilisation du train, notamment de nuit. » Oui au
train de nuit souhaite que le Premier ministre Michel Barnier, un Savoyard,
puisse favoriser une véritable renaissance du réseau. « Après plusieurs
années de tergiversations de l’État, le nouveau gouvernement, qui
revendique son attachement aux territoires, saura-t-il débloquer la
situation ? Nous l’espérons pour que la relance des trains de nuit se
concrétise et que les territoires ne restent pas à quai », conclut Nicolas
Forien.

Source : La Vie du Rail

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