Elle est curieuse, elle est atypique. Avec ses « petites et grandes
fenêtres », la voiture-lits T2 fut un élément phare du train de nuit
français (et belge). Elle est en fait géniale. Bien que spartiates, ses 18
cabines imbriquées comme un lego permettaient l’emport de 36 voyageurs par
voiture. De nos jours, ce concept pourrait revivre pour ceux qui désirent
l’intimité à un prix raisonnable. Explications.
Prévues à l’origine pour 2020, les nouvelles rames Nightjet des ÖBB étaient
enfin mises en service pour la première fois sur les liaisons Vienne –
Hambourg et Innsbruck – Hambourg en décembre 2023. Une des nouveautés
résidait dans l’aménagement des voitures-lits et surtout la mise en service
de ce qui est appelé les “mini-cabines” individuelles.
Mais l’autre nouveauté – moins réjouissante -, résidait dans le prix
demandé par les autrichiens dans les voitures-lits, elles aussi d’un
concept nouveau. Selon la chaîne suisse SRF, certains tarifs avaient
augmenté de 200%, rendant la voiture-lits hors de prix. C’était
particulièrement vrai sur les relations Zurich-Vienne ou Graz ainsi que
Zurich-Hambourg ou Berlin, parmi les plus demandées.
Cela nous amène au débat sur la manière de voyager en train de nuit. Tout
dépend de la personnalité de chacun. Certains adorent le camping de
quelques heures et « font des rencontres », d’autres n’entendent pas
voyager de nuit autrement que dans l’intimité maximale. Deux manières de
penser le voyage pour un seul et même train, c’est une des caractéristiques
du train de nuit. Et il convient d’en tenir compte si on veut réellement
faire du transfert modal.
Pour répondre au besoin d’intimité et à la demande d’une clientèle bien
plus individuelle que jadis, les ÖBB conçurent ce qu’on appelle des
« mini-cabines ». Il s’agit en réalité du volume d’un compartiment normal
qu’on a divisé – et cloisonné -, en quatre parties privatives. Il faut
cependant toujours se rendre en bout de voiture pour les toilettes et se
laver.
Les voitures-lits des ÖBB, confort un cran plus haut, comportent 20 lits
répartis dans 10 compartiments à deux lits, chacun avec toilettes et
douche. Avec 20 voyageurs par voiture, on comprend vite le souci de
rentabilité qui en découle.
Chaque rame Nightjet de 7 voitures comprend deux voitures-lits, trois
voitures-couchettes et deux voitures à places assises, soit une capacité
totale de 254 voyageurs. C’est peu, et cette faible densité justifie
probablement les prix demandés pour l’intimité d’une cabine privative,
quelle soit simple ou sophistiquée.
Il existe pourtant une architecture ancienne garantissant l’intimité, avec
une densité supérieure aux voitures-lits autrichiennes.
Fin des années 60, à l’initiative de feu la CIWL (la Compagnie
Internationale des Wagons-lits), une architecture audacieuse consistait à
placer 18 cabines à deux lits, soit 36 voyageurs, via une architecture en «
T » à 9 cabines dites supérieures imbriquées avec cabines dites
inférieures. Les 9 cabines inférieures avaient leurs lits classiquement
superposés, tandis que les cabines supérieures étaient dotées de lits fixes
en hauteur, avec un mini-canapé en dessous.
Au total, 36 lits vendus en billet deuxième classe avec un supplément
appelé « Tourist T2 ». Ce supplément était le service à payer pour la CIWL
qui accompagnait, avec son propre personnel, le train de bout en bout. Le
billet de deuxième classe pouvait varier d’une personne à l’autre selon
qu’on était détenteur d’une carte de réduction, qu’on soit « enfant » (en
dessous de 12 ans) ou « ancien combattant ». On vous parle là d’un autre
monde, celui des 1960-1980 qui a disparu aujourd’hui, à l’heure des prix
globaux…
Au final, la caisse extérieure de cette voiture-lits appelée « T2 »
présentait une curieuse disposition des fenêtres en quinconce : les petites
en hauteur correspondent aux cabines supérieures…
Les 20 premières voitures (5001 à 5020) furent acquises sous contrôle de la
CIWL, quand les séries suivantes, soit 88 voitures, furent directement
acquises par la SNCF, qui en versa 3 sur le compte de la SNCB. Raison pour
laquelle la voiture-lits T2 vînt garnir l’ensemble des trains autos
couchettes entre la Belgique et le Sud de la France : elle convenait
parfaitement aux couples seuls, souvent des retraités que 1.000 kilomètres
rebutent. En 1971, un pool de voitures-lits fut créé par 9 entreprises
historiques, la CIWL se retirant de plus en plus de la gestion technique,
en se repliant davantage sur le service à bord.
La SNCF n’avait rien prévu comme rénovation de son ancien parc T2.
Réformées entre 2002 et 2008, certaines sont parties bien loin des terres
françaises, au Maroc, en Serbie, en Roumanie.
La « T2 » remodelée, avec wifi, lampes led, site web dédié et sans
chipotages sur la tarification, avec son service petit-déjeuner dans un
pays qui traditionnellement porte haut la gastronomie, tout cela pourrait
amener un souffle nouveau et suffisant aux vieux Corails SNCF actuellement
utilisés sur Aurillac, Cerbère, Nice, Briançon ou Tarbes.
Le train comme un hôtel, c’est une réponse à ceux qui ne veulent pas du
camping sur rail et qui sont prêts à payer pour cela. On attend quoi ?
Source : Mediarail
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